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Situation politique au Sénégal : d’une opposition connue à des positions réfractaires vécues (Par Cheikh Ahmed Saikou Sow)

Situation politique au Sénégal : d’une opposition connue à des positions réfractaires vécues (Par Cheikh Ahmed Saikou Sow) Spécial

L’opposition a été dans un passé récent marqué par une certaine civilité avec les tenants du pouvoir. Les relations qu’entretenait l’opposition aux titulaires du pouvoir étaient la plupart régies par une véritable prise de hauteur face à la rivalité. Les historiens me diront qu’il a existé au Sénégal des oppositions violentes entre François Carpot et Blaise Diagne, entre Lamine Gueye, Majmouth Diop Abdoulaye Wade, landing savané, Abdoulaye Bathily et Senghor, entre Wade et Abdou Diouf entre Macky sall et Abdoulaye Wade. Mais de ces grands hommes politiques, il a toujours existé une certaine limite, pour ne pas dire une cordialité dans l’affrontement. Aujourd’hui, nous assistons plus à des positions réfractaires qu’a une opposition. Cette situation nous incite à nous poser des questions, au regard de la faiblesse du discours et la pauvreté de leurs arguments, s’il n’y a pas un agenda caché face à de tels comportements qui frisent même la déraison.

Partant d’une telle atmosphère inquiétante, le Sénégal est-il condamné à vivre une époque où l’espace civique et politique est de plus en plus infecté par une certaine race d’hommes politiques aux antipodes de ce qu’est réellement une opposition ?  Discours vides de sens, débat violents et sans substances pour permettre à l’électeur de se prononcer sur plusieurs possibilités. Au-delà de ces formes de «positions réfractaires », les intellectuels avertis et autres observateurs de la scène politique se doivent de sortir de leur silence, sinon, c’est tout un legs historique qui va s’affaisser pour laisser la place à un nouveau type d’opposition qui, au lieu d’incarner de une nouvelles approche saine dans les règles démocratiques, s’adonne à la manipulation et à la diffamation.

Face à une situation aussi piégée, il faudra toujours garder à l’esprit que le recul peut toujours se produire et la première chose pour tout citoyen c’est de refuser l’inacceptable.

L’inacceptable c’est de refuser la dictature de ces positions réfractaires : une opposition s’interdit de terroriser l’électorat pour la contraindre à voter pour elle. Et le respect des règles du jeu démocratique  repose sur une majorité qui se doit de respecter le peuple et une opposition qui se doit de ne pas empêcher le citoyen d’agir en toute liberté de conscience. En effet, si une opposition se propose, ouvertement ou hypocritement, d’introduire des mesures irréversibles, menant immédiatement à terme, à subvertir la  conscience du citoyen électeur, elle cesse d’être une opposition pour adopter des positions réfractaires. Or, en démocratie, ces formes de positions ne peuvent être qu’antidémocratiques. Bertrand de Jouvenel ne démentirait pas cette thèse, lui qui considérait que de la libre concurrence d’opinions saines dans les règles du jeu démocratique, une opinion majoritaire se dégage et commande, mais son commandement ne saurait jamais entraver le jeu de la liberté d’opinions qui se poursuit et aboutit à une opinion majoritaire différente qui commande à son tour.  Vouloir interrompre ce processus par toutes les formes de violence, soient-elles médiatiques, vous sortez aussitôt des règles du jeu ». 

L’inacceptable, c’est le sort de cette jeunesse prise en otage par ces positions réfractaires. Nos jeunes frères sont sous le pied d’un tremblement psychologique potentiel, parce que pris en otages par une certaine dictature menée par le biais des réseaux sociaux. Attention à la dislocation sociale : Ce problème posé par cette forme d’opposition, on le voit venir, il commence à réveiller des analyses surtout au moment où le Sénégal est devenu un pays pétrolier et gazier. Serions capables, si ça continue de le contrôler et de modifier la situation en l’abordant de front? Ou bien, nous bornerons nous à accompagner cette forme d’opposition qui vraiment n’augure aucune confiance par rapport à la stabilité de ce pays ? C’est sans aucun doute le problème politique majeur de l’avenir de ce pays.

Il faut y ajouter un élément : le Sénégal fait face à un processus de médiatisation avancée. On peut avoir de ce phénomène, « une vision libérale classique optimiste » comme le dit Jean Marie Colombani. Au fond, depuis bientôt 20 ans, nôtre pays est engagé dans des processus de désacralisation : d’abord du Président de la République, ensuite de l’Etat, et aujourd’hui du Pouvoir législatif, judiciaire, l’Armée et la Gendarmerie, à travers la médiatisation. Au bout du compte, il doit en résulter un danger pour le citoyen moins armé que d’autres face à ce pouvoir. En quoi consiste le rôle d’une bonne opposition sinon de permettre aux citoyens d’avoir, par les faits, des moyens équilibrés que leur offre par média, une bonne information loin du choc des lignes éditoriales de contrôler la majorité.

Il s’agit d’un long processus : la difficulté, c’est que nous sommes encore au commencement du processus, au tout début de l’ère médiatique à outrance. Comme le dit Alain Minc « nous avons progressivement quitté les rivages paisibles, rassurants, balisés par la démocratie représentative pour aborder l’inconnu de la démocratie d’opinion. C’est pour dire que nous sommes dans une phase d’incertitude et si l’on n’y prend pas garde avec cette forme d’opposition, c’est tous nos mécanismes représentatifs qui seront déstabilisés pour nous faire avancer vers un autre mode de démocratie que nous ne connaissons pas ».

J’en ajouterai un autre bien connu mais important. Nous vivons la fin d’une génération de politiques et la montée d’une autre. Une page est sur le point d’étre fermée. Nous entrons dans une zone beaucoup plus risquée, car nous changeons de mode de production. Nous passons d’un cadre de référence idéologique à un autre sans connaitre exactement le nouveau cadre ni les modes d’organisation de la vie politique qui en résulteront. Nous sommes là encore passés d’un moment à un autre. Les repères sont brouillés, voire inexistants et la politique parait considérablement affaiblie pour donner libre court à des formes d’opposition inquiétante.

Des révolutions, nous en avions connues dans le passé. Mais cette forme d’opposition au mobile non encore élucidé, c’est une première au Sénégal. Même si l’histoire ne se répète jamais, il n’est peut être pas inutile d’analyser ce qui a caractérisé les périodes analogues. Dans la politique sénégalaise, la soit disante crise de 1962 a marqué le passage de la première République à la seconde République pour marquer l’instauration d’un régime présidentiel fort. Mais à l’époque il y’avait une conscience supérieure de la préservation de la paix et du commun vouloir de vie commune malgré les convictions politiques et sociales. A cela, s’ajouta la grève de 1968 qui était un tournant décisif sur la question estudiantine : les étudiants se révoltaient des nouveaux modes de vie qu’engendrèrent les progrès technologiques et la société industrielle contre l’exode rural, mais aussi contre les difficultés que causèrent aux entrepreneurs, aux commerçants, la faillite du socialisme face à l’agression du capitalisme, la dure loi des banques, la misère des uns, la ruine des autres, l’écrasement des paysans par la sécheresse et un systhéme économique inhumain et insolent, voila le constat que l’on pouvait faire dans les année 68. Par contre les événements de 88 et 93 ont étaient marqués par une soif de changement de régime. Celui de 2000 contrairement à ce que disent certains, c’est à cause d’un président atteint par les limites d’âge. Compte tenu de tous ces événements il y a eu toujours une conscience supérieure de préservation de la paix et du commun vouloir de vie commune.

Un autre point : on voit se creuser un nouveau phénomène. Un fossé se creuse entre la société et ses élites, qu’elles soient politiques, économiques, journalistiques universitaires, etc. il est de la mission du politique de corriger ce déséquilibre. Notre système avait un fil conducteur : la république. Malgré tout, elle incarne un espoir social permanent. Si l’on n’y prend pas garde avec cette forme d’opposition, c’est un pays en lambeau que nous allons léguer à nos cadets, neveux et enfants. Car les préoccupations de cette opposition ne sont plus comment saisir ce fil de l’espoir permanent grâce à un jeu démocratique sain. Malheusement la majorité des hommes qui la composent se demandent comment, par ce mobile, passer d’une situation précaire à une situation stable. C’est là que se trouve toute la ruse de cette nouvelle classe soit disante politique.Tant que les citoyens ne prennent pas individuellement le destin de ce pays en mains pour entretenir cet espoir permanent, bonjour les mercenaires politiques !

Pour avancer dans l’argumentaire, posons-nous d’abord la question : Qu’est une opposition contrairement à une position réfractaire : Tout d’abord, l’opposition constitue un contre-pouvoir : elle permet d’éviter que la majorité, une fois arrivée au pouvoir, la tentation de mener une politique à l’encontre de ce que le peuple attend d’elle. Par les différents moyens légaux dont elle dispose: elle peut remettre en cause de la responsabilité gouvernementale devant le peuple par le  biais de l’assemblée nationale, la saisine du Conseil constitutionnel si elle ne remplit pas ceux à quoi elle a été choisie entres, autres. L’opposition incarne aussi la possibilité d’une alternance politique avec des propositions, mais pas par des discours violents et vides de sens: elle participe à l’existence du pluralisme politique. Et ce pluralisme permet de choisir ses gouvernants. Or, il n’y a pas de choix véritable que si l’électeur peut se prononcer entre plusieurs possibilités. Ainsi, l’opposition, en proposant de nouveaux projets à la politique nationale, permet aux citoyens éventuellement mécontents de disposer d’un choix d’adhésion en fonction des discours que l’on leur sert. Enfin, l’opposition permet de renouveler le personnel politique lorsque la majorité perd le pouvoir, une nouvelle génération peut trouver une place de choix dans l’opposition, et se préparer ainsi à assumer des fonctions importantes à l’occasion d’une victoire future.

Par contre une position réfractaire à la différence d’une opposition est une attitude qui frise une forme de rébellion inconsciente. Et c’est tout cette atmosphère que nous vivons actuellement au Sénégal. Oui , pourquoi : parce ce que leurs discours est loin de refléter ceux à quoi doit refléter le discours d’une opposition crédible et responsable. Et le premier critère d’une opposition responsable, au-delà de tout intérêt partisan, c’est la préservation de la nation qui est comme le dit Ernest Renan renvoyant au libre droit du peuple de disposer de lui-même, il en ressort cette magnifique définition : «deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu de par le passé. Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Je me résume. Devant l’intérêt général que nous devons être l’esclave de personne, surtout de groupuscule réfractaire à l’agenda caché, ni de son discours ni de ses manipulations, ni de la direction des chaînes argumentaires qu’il distille à longueur de journée dans les réseaux sociaux»

Partant de cette définition, ce que nous voyons c’est tout sauf de l’opposition. Car nous assistons à des formes de crimes de passion politique dus à une triche politique à fond non élucidé et la frontière qui les sépare, est difficile à déceler, vu le terrorisme médiatique que vit le Sénégal. Nous sommes au temps de la préméditation et du crime politique parfait. Nous faisons face à une  forme d’opposition criminelle de par sa passion politique et les mobiles nébuleux qui la fondent. Vu leurs argumentaires, nous sommes poussés à nous poser la question de savoir si les raisons qui les animent est neutre, au contraire, à y regarder de près surtout la configuration de ces groupuscules, les personnes qui les fondent, leurs trajectoires, leurs états d’esprits qui peuvent être décelés à travers leurs discours sans parler des outils qu’ils se servent tout est là pour que l’on fasse attention.

N'est-ce pas celui qui aujourd’hui s’arroge comme le poste de chef de l’opposition qui disait, il n’y a pas longtemps, que tous les présidents vivants qui ont dirigé le pays Sénégal doivent être fusillés, n’est pas lui aussi qui demande au peuple de se lever à chaque fois qu’il se sent menacé juridiquement pour qu’il continue de posséder sa liberté honteuse qu’il se targue d’avoir en bandoulière ? N’est pas lui aussi qui aujourd’hui qui dans ces adresses à l’opinion avait dit que le président de la république  n’aime pas la région dont-il est devenu maire ? N’est pas lui encore qui avait dit que notre armée républicaine est à la solde d’une puissance étrangère ? Ou allons-nous avec cette forme d’opposition ?  Malheureusement, s’il savait ce que recèle ce silence politique qui s’est affiché sur lui lors de ces dernières élections, il aurait l'idée de se taire et de se laver de tout reproche, vu qu’il se dit très clean et raisonnable pour critiquer le système dans lequel il est né, il a grandi, et a contribué à le consolider jusqu’au moment où il se trouve radié, parce qu’il a bafoué les règles qui fondent le métier qu’il avait choisi pour vivre et faire vivre sa famille. Mais par la force de la peur qui l’anime, et le caractère d’une vengeance pour un système qui l’a défénestré et qu’il ne peut combattre à lui seul, lui et quelques aigris de sa corporation veulent en faire une doctrine aux relents politique. Hier jugé et radié, présentement taxé de violeur et de mœurs légères, il voudrait légiférer un jour pour se venger.

Une position réfractaire et une opposition politique c’est deux choses : un réfractaire c’est celui qui dit non. Un opposant même s’il refuse c’est aussi celui qui ne renonce pas et qui parfois dit oui. A nous citoyens: nos attentes c’est qu’elles nous disent: Quel est le contenu de ce « non » ? Signifie-t-il  que, « les choses ont trop duré », « jusque-là oui, ou au-delà non», « vous allez trop loin », ou encore, « il y a une limite que vous ne dépasserez pas ». En somme, qu’elle est l'existence de la frontière entre ce qui est permis et le non permis. On ne sent pas ces questionnements dans ce sentiment de révolte qui est devenu « encombrant ». nous avons l’impression que  certaines personnes veulent s’arroger une certaine liberté de vouloir étendre leur droit au-delà d'une frontière à partir de laquelle un autre droit lui fait face et la limite. C’est cette forme catégorique d'intrusion sur fond de certitude confuse que l’on juge intolérable face au bon droit.

Ahmad Saikou Sow citoyen sénégalais.

 

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