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UN POSTIER FILS DE POSTIERS ECRIT AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE (Par Yoro BA, Inspecteur des postes et des services financiers)

UN POSTIER FILS DE POSTIERS ECRIT AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE (Par Yoro BA, Inspecteur des postes et des services financiers) Spécial

Excellence Monsieur le Président de la République

Il est de notoriété publique que la situation de La Poste est extrêmement préoccupante. A travers leurs complaintes, on a pu sentir la profonde détresse que vivent les milliers de travailleurs qu’elleemploie. Il y va certainement de même pour les centaines de prestataires permanents (gardiens, agents d’entretien…).

Une chose est aussi certaine, votre volonté manifeste à trouver une solution face aux difficultés que traverse la société nationale.

Toutefois, la situation réelle de La Poste ne semble pas être maîtrisée, eu égard à quelques erreurs d’appréciation notées çà et là.

 Le devenir de l’entreprise interpelle tout citoyen, à plus forte raison lorsque l’on y a passé vingt-cinq ans avec des états de service à tout point de vue irréprochables (de commis à cadre supérieur sans devoir quoi que ce soit à personne, par la grâce de Dieu) et de surcroît lorsque l’on est postier fils de postiers (père et mère), c’est pourquoi je vous écris pour contribuer un tant soit peu à éviter des erreurs qui inéluctablement conduiraient à l’arrêt définitif de la société. Ce qui engendrerait un drame social jamais observé dans ce pays. Et, je suis persuadé que vous ne voudriez pas que le bilan de votre magistère, for élogieux jusque-là, soit terni par ce dilemme social.

Permettez-moi, cependant, de lever quelques équivoques sur des idées arrêtées concernant La Poste :

  • Il se dit que la Poste n’est pas compétitive faisant allusion le plus souvent à l’activité courrier. Or, La Poste, ce sont plusieurs métiers et donc marchés et il n’y a que le sous segment de la ‘’poste aux lettres’’ qui est en déclin, pour lequel l’entreprise ne perd pas de l’argent et constitue une vache à lait avec quelques centaines de millions engrangés chaque année. Tous les autres marchés sont en croissance à deux chiffres.
  • La Poste est considérée comme une entreprise archaïque d’où le refrain qui est toujours servi que La Poste doit se moderniser. Or, ce que l’on ignore c’est que La Poste est pionnière dans des secteurs de pointe telle que la monétique. Pour preuve le premier portefeuille électronique, c’est son œuvre. Il suffit de se référer au bâtiment sur la VDN dénommé NAFA du nom du projet y relatif développé en 2002. Et, bien d’autres investissements ont été consentis.
  • L’effectif est aussi souvent pointé du doigt comme étant pléthorique. Il est vrai que si l’on se base surle rapport entre le chiffre d’affaires et la masse salariale, il est indéniable qu’il y a un problème. L’analyse permettrait de voir qu’il y a un problème de gestion des ressources humaines mais surtout une sous activité. Sur les domaines en croissance, La Poste est très loin de son potentiel. En activité normale, l’effectif actuel ne saurait suffire.

Mais alors, où se trouve le mal ? Comme il a été dit à La Poste, on ne travaille pas assez et souvent pas bien. Comme vous le savez la responsabilité relève exclusivement des managers successifs qui ont été nommés et qui avec leurs accompagnants encombrants ne travaillent pas et gênent ceux qui veulent le faire. Et, ils ne se privent pas de recruter à tour de bras à contre-courant de l’activité.

Cependant, ces comportements sont loin d’être les principales causes des difficultés de l’entreprise.

Fondamentalement, le mal réside dans les partenariats noués avec des tiers dans différents secteurs. L’illustration ironique que j’en fait, c’est un vendeur de beignets qui scelle un accord avec un vendeur de farine (qui n’est pas un meunier le plus souvent) et qui doit après avoir acheté de la farine (à un prix hors norme et en surplus) doit rétrocéder une partie des ventes sous forme de commission au partenaire. L’exemple le plus patent c’est la fabrication de toute pièce de son premier concurrent dans le secteur des transferts. Malheureusement, quand on veut y mettre de l’ordre, on est limogé sans coup férir et l’on continue!!!

Si pour les premiers types de dysfonctionnements on peut y apporter aisément des corrections, il en est autrement pour les seconds.

Compte tenu de tout cela, il n’est pas surprenant que La Poste traverse une crise aigüe. Il est aussi vrai que votre engagement pour la résolution des problèmes est constant et salué.

Cependant, vous me permettrez Excellence Monsieur le Président de la République de faire quelques remarques par rapport aux solutions préconisées :

  • La restructuration, il est indéniable qu’il faille restructurer La Poste. Cependant, c’est la démarche entreprise qui est sujette à caution. En effet, depuis des années c’est une opération en cours pilotée par une sous-commission interministériel de restructuration du Groupe La Poste issue de la commission de restructuration des sociétés en difficulté, mise en place par l’Etat et qui déroule sa feuille de route.

Le redressement d’une entreprise ne peut être l’œuvre de fonctionnaires (nationaux ou internationaux) quelles que soient, par ailleurs, leurs compétences. La restructuration est une démarche dynamique menée par un spécialiste d’entreprises, leader sachant fédérer le personnel dont l’implication est vitale, avec qui il partage son plan de restructuration, le tout avec un plan de communication qui vise l’ensemble des acteurs dont les consommateurs dont il faille restaurer la confiance.

Les productions de cette commission relèvent de la gestion normale d’une entreprise (production d’états financiers, mise en place d’une comptabilité analytique, etc.) et sont considérées comme des préalables. Or, la situation de La Poste relève de l’extrême urgence. De plus, cela accroit la léthargie au niveau de l’entreprise renforçant le ralentissement de l’activité. Malheureusement, il y a des activités qui une fois à l’arrêt seront difficiles voire impossibles à relancer. Il s’agit principalement des activités financières. Les exemples sont à profusion tant au niveau national qu’international (Lehman Brothers (USA), les postes du Niger et de la Côte d’Ivoire (bien que restructurées), etc.).

  • Il a aussi été question de la création d’une nouvelle société (si ce n’est pas faire confusion avec recapitalisation, comme certains ont pu le faire). Certes, c’est une option, cependant, même si l’opération était menée avec toute la dextérité qui sied, il serait quasi impossible de ne pas observer un arrêt de l’activité, avec les conséquences évoquées tantôt. La Poste présente des comptes inextricables, or dans cet exercice, il va falloir procéder à une évaluation ne serait-ce que de l’apport partiel d’actifs. Les exemples de substitution d’une société ancienne par une nouvelle, ce sont soldés par un temps d’arrêt relativement long de l’activité (SOTRAC, Société de Transport du Cap-Vert, SIAS, etc.).

En définitive, Excellence Monsieur le Président de la République, La Poste est en situation d’extrême urgence de sauvetage et il vous revient de prendre immédiatement les bonnes décisions disponibles, avant qu’il ne soit définitivement trop tard.

Si je pus me le permettre, je vous suggèrerais :

  • D’en faire une affaire de postiers
  • De nommer un directeur général chargé de mettre en œuvre un plan source de sa vision et surtout d’être capable de mobiliser des fonds indépendamment de l’Etat.

Cela constituerait un signal fort à l’endroit des travailleurs et de l’opinion publique quant à votre volonté de sortir l’entreprise nationale du gouffre dans lequel elle se trouve et aussi un soulagement pour le directeur général actuel qui non seulement a atteint ses limites mais se trouve dans une situation inconfortable, moralement parlant.

Veuillez croire, Excellence Monsieur le Président de la République, à l’expression de ma haute considération.

                                           Yoro BA

Inspecteur des postes et des services financiers

 Expert financier (certifié HEC Paris)

DESS Marketing et gestion commerciale

DESS Audit financier, comptable et fiscal

Contrôleur de gestion

 

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