Dans la Une du journal l’Obs. en date du 30 mai 2025, Papa Malick Ndour a affirmé : « ils ont emprunté 196 milliards dont 118 milliards proviennent des particuliers ivoiriens. »
Bougane Guèye déclare, je le cite : « Si on arrive au point où c’est le Mali qui nous prête de l’argent alors, c’est parce qu’on a un sérieux problème ». source Sénégal 7.
Ces propos relèvent d’une méconnaissance totale du fonctionnement du marché financier de l’UEMOA, notamment des intervenants.
Sur le marché régional de la dette de l’UEMOA, il existe deux compartiments de marchés. Il s’agit du marché des adjudications (ventes aux enchères) et le marché de syndication :
Sur le marché des adjudications, l’émission de titre public de l’Etat peut être une adjudication ouverte (aucune restriction) ou ciblée (l’Etat choisit les souscripteurs); Sur le compartiment de syndication, il s’agit des emprunts obligataires (Appel Public d’Epargne (APE). Les particuliers n’interviennent que sur le marché de syndication pour mobiliser leur épargne. Pour ce faire, ils disposent des comptes de titres auprès des Sociétés de gestion d’intermédiation (SGI) qui structurent les APE (Appel Public à l’Epargne). Le dernier APE du Sénégal était de 150 milliards, entre fin mars et début avril 2025. Sur cet APE, des personnes physiques avaient manifesté l’intention d’acheter des titres de dette de l’Etat du Sénégal.
Le 26 mai, l’Etat du Sénégal a levé une obligation de trésor de 196 milliards. Sur ce marché des enchères (bons du trésor et obligation du trésor), les principaux intervenants restent les banques commerciales. Les particuliers, notamment les personnes physiques, n’interviennent pas sur le marché des adjudications (ventes aux enchères). C’est alors erroné de dire que l’emprunt de l’Etat provient des particuliers ivoiriens. En réalité, il s’agit des banques de l’UEMOA, ayant comme résidence la Côte d’Ivoire. Le marché régional de la dette n’est pas fragmenté entre les pays, c’est un marché unique où les différents acteurs du système financier interviennent en fonction de leurs stratégies d’investissements. Une banque malienne ou ivoirienne peut acheter des titres publics de l’Etat du Sénégal. Idem pour une banque établie au Sénégal qui peut acheter des titres publics de n’importe quel pays membre de l’UEMOA.
La principale information est de savoir la résidence des détenteurs des titres publics des Etats.
Ci-jointes, en fin mars 2025, les captures (graphiques) de la résidence des détenteurs de l’encours de titres publics sur le marché des adjudications du Sénégal et la Côte d’Ivoire.
Cas du Sénégal : Les résidents (banques établies au Sénégal) détiennent 56,92% des titres publics de l’Etat du Sénégal et les banques ivoiriennes sont à 19,95%
Cas de la Côte d’Ivoire : les banques ivoiriennes détiennent 64,13% des titres publics de l’Etat ivoirien, et les banques du Sénégal détiennent 17,99% des titres publics de l’Etat ivoirien.
Il en ressort que les banques ivoiriennes détiennent environ 20% des titres publics de l’Etat du Sénégal et les banques sénégalaises détiennent environ 18% des titres publics de l’Etat ivoirien.
Bougane, quant à lui, parle du Mali. Il convient de lui dire que les banques établies au Mali détiennent 0,45% des titres publics de l’Etat du Sénégal et que les banques du Sénégal détiennent 14,44% des titres publics de l’Etat malien. Bougane déclare, je le cite : « Si on arrive au point où c’est le Mali qui nous prête de l’argent alors, c’est parce qu’on a un sérieux problème ». C’est archifaux, les banques établies au Mali n’appartiennent pas à l’Etat, excepté les banques d’Etat. Les banques appartiennent à des groupes bancaires dont la plupart des maisons-mères sont hors de l’UEMOA et déterminent leurs propres stratégies d’investissement. La banque reste une entreprise qui maximise son profit.
Pourquoi les banques sont les principaux souscripteurs des titres publics sur le marché des adjudications ? Le financement des banques est adossé à des titres qui sont admissibles aux guichets de refinancement (hebdomadaire et mensuel) de la BCEAO. Par exemple, si une banque emprunte de l’argent à la BCEAO, il faut une garantie et les titres publics du marché des adjudications sont admissibles.
Source des données: chacun peut télécharger le bulletin des statistiques du marché des titres publics. C'est public.
On devrait être plus factuel et s'assurer d'avoir la bonne source, pour éviter de distiller de fausses informations au public.
https://www.umoatitres.org/fr/https-www-umoatitres-org-wp-content-uploads-2025-04-bs-t1-2025-3-pdf/