Il est, en ce bas monde, des êtres dont le parcours plus ou moins long, plus ou moins éphémère, peut être assimilé à quelque chose d’étrangement divin. En effet, des paroles formulées aux actes posés, tout ce qui émane de ces personnes là, à y regarder de près, peut indiquer pour des êtres tant soit peu avertis, une provenance surnaturelle, dépassant de loin une quelconque compréhension humaine. Celle dont il est question dans ces propos, appartient sans aucun doute, à cette catégorie là. Qu’on les appelle érudits, immaculés, saints, d’une générosité sans bornes, d’une bonté sans limites, d’une croyance écarlate, ces personnes sont à coup sur des élues de Dieu Le Tout Puissant. C’est absolu. On a beau vouloir exceller, dans tous les domaines de la vie, mais s’il n’y a pas une once divine pour accompagner, l’objectif peut ne pas être atteint. Fatoumata DIAGNE par son sobriquet FIFI, défunte épouse Mme NIASS peut, naturellement être logée à cette enseigne.
De l’enfance à l’adolescence
Plusieurs témoignages concordent sur son parcours atypique. Sénégalo-malienne, de père thiessois et de mère malienne, Fatoumata DIAGNE plus connue sous le pseudonyme consacré de FIFI, est native de Thiès, une des régions à histoire très chargée dans cette partie centre ouest du pays de Lat Dior et de Cheikh Anta DIOP. Sa terre natale de Thiès dénote déjà, par cette mixité africaine consolidée par le chemin de fer Dakar-Bamako, cet esprit de révolte et de résistance face à toute forme d’oppression ou de domination dressée sur son chemin, qu’elle combattra plus tard dans son parcours politique. Dans le quartier Hersent, ses frères et tantes de sa famille paternelle ainsi que ses amies d’enfance avec qui elle a partagé l’école et les jeux rappellent comment FIFI était adulée, polie, respectueuse des personnes âgées dont sa grand-mère paternelle qui l’aimait plus que tout. D’ailleurs Mame Ndawa dont il s’agit, avait fini de prendre la place d’une mère qui vivait à des centaines de kilomètres au loin, en pays voisin. Ainsi, entre études scolaires et cheminement social, elle poursuivra son cursus social qui la mènera à sa rencontre avec un jeune homme qui, faisant la navette entre Louga, Dakar et Thiès où lui aussi avait des parents, allait devenir son époux.
A l’épreuve de mère, d’épouse et d’éducatrice
Ainsi donc après la bénédiction de la grand-mère doublée de mère, Mame Ndawa, et du père, la voilà sur le chemin du Ndiambour d’Alboury Ndiaye dans précisément la Commune de Louga au quartier Santhiaba Nord, à la maison conjugale où, encore des témoignages, belle mère Sokhna Fatou Ba et Mame, s’arrachaient la nouvelle recrue, leur belle fille Fatoumata Diagne FIFI devenue Mme Niass. La présence de la belle fille se savait dès les abords de la demeure des beaux parents. En effet, nous dit-on, Fifi se levait comme à son habitude dès l’aube, se dirigeait au dehors, balai à la main pour rendre propres les abords et l’intérieur de la concession de sa seconde famille. La belle mère et la grand-mère, comme à Thiès, l’aimaient plus que tout. C’est pourquoi elle ne s’est jamais sentie dépaysée et avait hâte de revenir à Louga, sachant qu’elle y serait toujours accueillie à bras ouverts.
Quelque temps après, cap sur la région de Dakar où entre les localités de Guediawaye, la Cité Gendarmerie et l’Unité 3 de Keur Massar, elle allait accompagner son mari et poursuivre sa trajectoire sociale en tant que mère et épouse. Mais éduquée à ne jamais baisser les bras, pleine d’énergie, elle va prendre plusieurs initiatives dans le domaine éducatif. Il reste entendu que Fifi ne faisait rien sans avoir l’aval de son époux. C’est une de ses autres qualités saluées par toutes celles et tous ceux qui la connaissaient. C’est encore une vertu religieuse dont elle s’inspirait fortement. De fil en aiguille, elle allait articuler l’éducation de ses enfants et la prise en charge de jeunes enfants. Dans son nouveau domicile de l’Unité 3, de 11 puis 27, elle allait totalement se lancer dans la socialisation des tous petits.
Dans ces nouvelles habitations des Parcelles et de Jaxaay érigées grâce au Président Wade pour désengorger les zones inondées entre Pikine et Guediawaye, elle se voit confier les enfants de mères enseignantes, vendeuses et commerçantes qui, chaque jour acheminent leurs enfants chez Tata FIFI, pour ne les reprendre qu’en fin d’après midi. Poursuivant ainsi son petit bonhomme de chemin, elle envisagea alors l’ouverture de classes dans le cycle élémentaire. Le Groupe Scolaire Keur Mame Ndawa voyait ainsi le jour, Keur Tata FIFI en étant le précurseur. De fil en aiguille, le groupe continuait dans sa lancée jusqu’à occuper aujourd’hui une place prépondérante sur l’échiquier scolaire dans le nouveau département de Keur Massar, en introduisant le cycle du Moyen-Secondaire, dans les ordres d’enseignements de l’Etablissement. Depuis quelques années déjà, le GSKMN enregistre les meilleurs résultats au CFEE, aux examens d’entrée en 6e et au BFEM. Fifi avait compris depuis fort longtemps l’importance de certains intrants dans les considérations d’ordre pédagogique.
En tant que Directrice du GSKMN, elle mit en place le volet Transport et Cantine Scolaire permettant ainsi aux parents d’élèves de placer leurs enfants dans de meilleures conditions d’apprentissage. Très tôt le matin, le groupe de chauffeurs et d’accompagnants parcourent en bus GSKMN des kilomètres de route pour aller prendre les élèves et les apprenants chez eux pour les acheminer à l’école. Elle tenait particulièrement à ces deux volets qu’elle jugeait importants pour atteindre les objectifs de performance et d’excellence que le GSKMN s’était assignés. Les mêmes trajets seront arpentés à 16 heures tous les jours, sauf les Mercredi et Samedi, où c’est à 13 heures que le chemin inverse sera parcouru. La cantine scolaire permet aux élèves et aux tout-petits de se restaurer en mi- journée, vu que l’instauration de la journée continue est l’option prise par la Direction du GSKMN.
Sur le front social et politique
Que dire des actions entreprises par Fifi sur les plans politique et social ? Mme la Directrice du GSKMN, tout en étant très versée dans les questions d’éducation n’en était pas moins une véritable actrice sociale. En effet, n’est ce pas elle qui faisait du porte-à-porte sur l’étendue du périmètre communal en sensibilisant les pères et mères de familles sur l’importance de l’état civil, aussi bien pour les enfants que pour les adultes eux-mêmes ? Beaucoup de témoins affirment que c’est grâce à elle, si un grand nombre d’enfants et d’adultes disposent aujourd’hui de leurs bulletins et extraits de naissance d’une part et d’autre part, de leurs pièces nationales d’identité. Sur un autre registre, les habitants des différentes cités, parfois distantes de plus d’un kilomètre affirment disposer d’eau potable à partir du robinet érigé devant son domicile à l’unité 3. Même les daaras et les enfants talibés étanchent leur soif grâce à Fifi.
Le Mouvement des Jeunes Humanitaires des Parcelles regrettent le Rappel à Dieu de leur Marraine.
En effet, nous disent ils, c’est Fifi qui a donné le nom d’humanitaire au Mouvement qui leur a fait obtenir le Récépissé, qui les a toujours accompagnés pendant des années, durant le mois de Ramadan avec les kits alimentaires dénommés ‘’Ndogou Populaire’’. Restant dans ce volet social et humanitaire, les habitants des différentes localités citées (et jusqu’à Thiès, Guediawaye entre autres, affirment que le soutien de Fifi ne leur a jamais fait défaut. Au-delà des denrées alimentaires, des factures d’eau et d’électricité, du paiement de frais médicaux ou de factures scolaires), elle s’est battue pour que l’Unité 3 où elle résidait, ait sa Mosquée grâce à l’ONG ARPIECA qui non seulement a totalement construit la Mosquée, mais a distribué des kits alimentaires durant les mois de Ramadan successifs en collaboration avec Fifi.
Même durant la Tabaski, de la viande était distribuée à des indigents avec le bœuf immolé grâce à ARPIECA. Cette ONG continue ses actions en reconnaissance et en signe de fidélité vis-à-vis de leur partenaire Fifi aujourd’hui rappelée à Dieu. Mme la Directrice du GSKMN, marraine du Mouvement Humanitaire des Jeunes des Parcelles, était aussi Présidente du GIE Bokk Nday Bokk Baay. Les femmes avec qui elle s’accompagnait, ont affirmé lui être redevables puisque non seulement elle a créé le Groupement qui dispose de sa reconnaissance juridique, mais elle a su être autonome. Financièrement, Fifi leur a appris à compter sur leurs propres forces ; ce qui leur a permis de verser des montants de 200 à 300 000 aux membres du GIE qui en font la demande le 11 de chaque mois, jour qu’elles ont choisi pour se rencontrer.
Sous un autre rapport, Fifi a su rassembler les femmes et les jeunes des Parcelles autour d’une Coalition ‘’Sama Gox, Sama Askan’’ (Mon quartier, Mon Peuple) en 2014, dans le but de conquérir des suffrages aux Elections Locales d’alors. Devenue Conseillère Municipale, elle allait inscrire ses marques dans la marche de la Collectivité Locale en initiant un certain nombre de programmes au profit des femmes en tant que Présidente de la Commission Municipale pour l’Entreprenariat Féminin. C’est ainsi que des femmes ont pu bénéficier de modules de formation sur le leadership, sur les transformations de produits locaux entre autres.
Sur le plan politique, voilà une militante engagée dès les premières heures contre l’arbitraire, l’oppression ou l’impunité. Elle portait par devers elle, l’ensemble des valeurs positives de notre société. Selon ses camarades de Yoonu Askan Wi, le Délégué Général Madièye Mbodj en tête, Fifi était l’incarnation des Valeurs de nos héroïnes Njeumbeut, Ndaté Yalla Mbodj, Aline Sitoé Diatta, de nos Saintes Mame Fawade Wellé et Mame Diarra Bousso pour ne citer que celles là. Ses sœurs du Forum des Femmes Dakaroises sous la houlette de leur Présidente Yacine Diagne, continuent à pleurer son départ prématuré vers l’éternel, tellement elle jouait un rôle essentiel dans le dispositif. D’ailleurs la plupart de ses camarades dans le Département de Keur Massar ont souligné que si elle était encore en vie, elle serait naturellement choisie pour diriger la Mairie de Keur Massar Sud ou pourquoi ne pas être Présidente du Conseil Départemental.
Elle en avait le charisme et le leadership. Dieu en a décidé autrement. Néanmoins, ses proches parents, ses camarades, les femmes du Gie Bokk Nday Bok Baay, son époux en premier lui jurent reconnaissance et fidélité dans la dynamique de poursuivre l’œuvre immense qu’elle a légué à sa descendance, pour la postérité.
LA FONDATION